Mon copain Lucky – vous aurez reconnu mon fidèle compagnon à quatre pattes – s’est récemment occasionné une plaie attribuée à l’action d’un parasite et/ou à une infection bactérienne. Selon le véto consulté, il aurait fallu appliquer une crème et équiper mon chien d’une collerette pour qu’il n’ait pas accès à la zone lésée. Je n’en ai rien fait car j’ai entière confiance aux instincts des animaux : si ceux-ci lèchent leurs blessures, c’est de toute évidence parce que leur salive les soulage et les aide à cicatriser.
Tous les vétérinaires ne pensent pas le contraire et il y en a aujourd’hui qui reconnaissent les vertus cicatrisantes de la flore buccale animale. La religion pasteurienne s’essouffle également chez les soignants de nos amis les bêtes. Mieux : selon cet article, une étude est en cours pour évaluer les éventuels bénéfices, pour leur propriétaire, de se laisser lécher par un chien ! Leur bave contiendrait des probiotiques qui stimuleraient aussi le système immunitaire et digestif humain.
Personnellement, je ne suis pas encore ouvert à cette thérapie salivaire et je préfère que Lucky conserve ce remède naturel pour lui. Ceci dit et comme je l’ai déjà raconté, j’utilise le mien depuis longtemps et j’ai toujours encouragé mes filles à se lécher leurs écorchures, piqûres et autres petites brûlures. Dans cette lettre qui va sans doute choquer les nareux, je vais brièvement rappeler les atouts sanitaires de la salive. Et tant qu’à faire, je vais exposer succinctement que cinq autres sécrétions corporelles recèlent un intérêt hygiénique ou thérapeutique. Même les substances excrétées peuvent nous rendre de précieux services !
La salive ou le baume polyvalent
Vérification faite, l’intelligence artificielle de Google ne mentionne pas (encore) les vertus cicatrisantes externes de la salive. Elle se contente de lister son rôle favorable dans la digestion, dans la santé dentaire et dans la cicatrisation de la muqueuse buccale. Pour avoir un panorama plus complet, il faut scroller un peu plus bas et visiter, par exemple, le site Doctissimo. Dans cet article de 2015, la plateforme annonce que des biologistes américains ont découvert dans le liquide salivaire une protéine aux propriétés extraordinaires. Répondant au nom de SLPI (secretory leukocyte protease inhibitor), cette substance se comporte à la fois comme un désinfectant, un anti-inflammatoire et un protecteur du tissu cutané.
C’est apparemment en freinant la dégradation du collagène que la protéine SLPI favorise la réparation des plaies et leur cicatrisation. Bien sûr, le site médical ne se prive pas de lister tous les débouchés commerciaux ouverts par cette trouvaille, notamment la mise au point de cosmétiques rajeunissants. Mais la journaliste de Doctissimo a le bon goût de conclure son papier en saluant Dame Nature et en félicitant les enfants qui demandent à maman d’embrasser leurs bobos. Comme les animaux, nous ferions bien de (nous) lécher plus souvent puisque nous disposons dans notre bouche d’un véritable baume pour la peau.
La sueur ou le régulateur thermique
En cette saison marquée par des épisodes caniculaires, on pourrait mettre l’éco-anxiété en sourdine et se souvenir que la sueur nous aide à supporter les grandes chaleurs : cette sécrétion est le principal mécanisme de thermorégulation du corps humain. Lorsque la température corporelle augmente, que ce soit par l’activité physique ou les circonstances climatiques, nos glandes sudoripares s’emploient à nous rafraîchir en nous faisant suer.
Et ce n’est pas le seul avantage de la sudation, loin s’en faut. La sueur aide aussi à maintenir la peau hydratée en sécrétant de l’eau, des minéraux et des acides aminés. De plus, elle a des propriétés antimicrobiennes. Elle contient des peptides, comme la dermicidine, qui protègent la peau contre les bactéries nocives, renforcent le système immunitaire et réduisent ainsi le risque d’infection. Sur le plan esthétique, la transpiration améliore l’apparence de la peau en éliminant les cellules mortes, en éclaircissant le teint et en favorisant la souplesse de l’épiderme.
Enfin, n’oublions pas que la peau est un émonctoire, c’est-à-dire une voie d’élimination des toxines et des déchets métaboliques. Quand elle préconise un drainage émonctoriel, la médecine naturelle donne généralement priorité aux quatre autres organes d’élimination que sont le foie, les poumons, les reins et les intestins. Vu son étendue – la peau est le plus grand organe du corps humain – le tissu cutané est pourtant une station d’épuration majeure. Le hammam, le sauna et la sudation par le sport sont des outils de détox que tout naturopathe devrait recommander.
Le cérumen ou la cire protectrice
Souvent perçu comme une substance sale et accusé de boucher les oreilles, le cérumen est en réalité un allié précieux pour leur santé. Il joue un rôle essentiel de protection et de nettoyage du conduit auditif. Il forme d’abord une barrière contre les corps étrangers tels que la poussière, les bactéries, les champignons ou les insectes. Il piège ensuite les particules étrangères, ainsi que les débris de peau morte, et il s’écoule naturellement vers l’extérieur, emportant avec lui ces éléments indésirables.
Le cérumen n’est pas seulement un éboueur efficace, c’est aussi un lubrifiant du conduit auditif. Il en évite le dessèchement et les irritations. Tout comme la cire d’abeille, il contient en outre des substances antiseptiques qui empêchent la prolifération des bactéries. Il est donc important de ne pas chercher à l’éliminer complètement, mais plutôt de veiller à un nettoyage doux et régulier pour éviter les accumulations excessives qui pourraient causer des problèmes.
Comment ? Surtout pas avec les cotons-tiges ! Ces objets n’auraient jamais dû trouver le chemin de nos salles de bain car ils font plus de tort que de bien. À sa sortie, la revue Néosanté, vous a d’ailleurs résumé « Le livre noir du coton-tige » (éditions Jouvence) rédigé par le Dr Olivier Morineau, chirurgien ORL. Vous pouvez retrouver l’essentiel de ses critiques et d’autres mises en garde d’autres médecins dans cet article en accès libre. Sur certains sites, on met en valeur des alternatives comme le cure-oreilles métallique ou l’oriculi, petit bâton de bambou réutilisable.
Mais à quoi bon mettre le tympan en danger puisque le cérumen n’est pas un ennemi et qu’il auto-nettoie le conduit auditif ? Seul le méat, c’est-à-dire l’ouverture de l’oreille, mérite une petite toilette quotidienne. Ça peut se faire avec un peu d’eau pendant la douche. S’il est propre, l’ongle du petit doigt peut également faire office d’outil hygiénique non intrusif. Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle « auriculaire » !
Le mucus nasal ou le barrage filtrant
Ce petit doigt ou l’un de ses voisins peut-il aussi servir à se curer l’appendice nasal ? Ne soyons pas hypocrites et admettons honnêtement que nous laissons volontiers libre cours à ce réflexe infantile une fois à l’abri des regards. Les « crottes de nez » sont du mucus séché et il faut bien l’évacuer d’une manière ou d’une autre. Or il n’est pas sûr que l’utilisation de mouchoirs soit plus hygiénique que l’usage d’un doigt bien propre et doué de doigté. Le nec plus ultra, c’est évidemment le lavage des fosses nasales avec de l’eau de mer ou du sérum physiologique. Comme je l’ai maintes fois souligné en période covid et comme mon confrère Xavier Bazin l’a exposé dans une récente enquête fouillée, cette technique d’hygiène immémoriale est particulièrement efficace en prévention des pathologies dites virales.
Et pour cause ! Le mucus nasal a en effet pour fonction de faire barrage aux particules étrangères telles que la poussière, les allergènes et les microbes exogènes. Il piège ces particules et les empêche d’atteindre les voies respiratoires inférieures. Cette sécrétion n’est pas seulement l’étape de filtration de notre système de ventilation, elle contient aussi des anticorps et des enzymes qui aident à combattre les infections. Une fois solidifié, le filtre est cependant encrassé et il convient de faire place nette dans les narines en les irriguant.
Cela étant dit, il se pourrait que les « crottes de nez » conservent une part de leurs propriétés bénéfiques et que le geste socialement inconvenant de les manger ne soit pas dénué de rationalité ! C’est en tout cas la théorie avancée naguère par un scientifique canadien qui se faisait fort de démontrer la chose avec des expériences. Celles-ci ont visiblement échoué ou n’ont pas été tentées car on n’en trouve nulle trace sur la toile. En revanche, certaines études comme celle-ci suggèrent que le mucus nasal solide héberge de bonnes bactéries capables d’ensemencer positivement le microbiote intestinal. Avant de réprimander les loupiots qui ingèrent leurs loups de nez, songeons qu’ils ont peut-être l’instinct d’enrichir leurs intestins…
Le sperme et la cyprine ou les auxiliaires de vie
Non, je ne vais pas encourager l’utilisation de sperme à des fins thérapeutiques. Je laisse ça aux influenceurs qui font le buzz et leur beurre sur internet en recommandant d’employer le liquide séminal mâle comme cosmétique ou comme aliment, certains youtubeurs américains ayant même édité des livres de recettes culinaires ! Mais ne comptez pas sur moi non plus pour diaboliser ni dévaluer la sécrétion testiculaire : tout n’est pas folle rumeur sur ses vertus et les stars des réseaux sociaux ne racontent pas que des bêtises.
Pour trier le vrai du faux, je peux encore vous renvoyer à un très bon article du site Doctissimo sur « les vertus santé du sperme » : on y apprend notamment que l’allégation anticancer provient d’un canular et que l’effet minceur est un ragot dépourvu de fondement scientifique. Il est vrai que la liqueur éjaculée par les hommes contient de nombreux nutriments (protéines, vitamines, minéraux…) et que l’un d’entre eux, la spermidine, est étudiée pour ses bénéfices sur la santé cardiovasculaire et sur la longévité. Il semblerait également que ce composé apposé sur le cuir chevelu favorise la repousse des cheveux perdus. Autant savoir toutefois que la spermidine est également présente dans les fromages, les champignons, les légumineuses et les grains entiers. On peut la trouver en complément alimentaire et dans les shampooings aux extraits de germe de blé. Pas besoin donc de s’adonner à la fellation ou à la masturbation pour en profiter. Selon une récente recherche, la spermidine aurait tout de même un pouvoir anticancer !
Ce qui est déjà bien démontré, c’est que les femmes gagnent à recevoir l’éjaculat par voie génitale sans lui faire obstacle. Le contact répété de leurs muqueuses avec le sperme du partenaire leur permet de mieux se préparer à une future grossesse car cela habitue le système immunitaire féminin à ne pas considérer les protéines issues du père comme étrangères. Cela protège ainsi du risque de fausse couche et cela pourrait même diminuer le risque de prééclampsie. Et celui de dépression ? Comme le relate Doctissimo, une étude menée à New-York en 2002 a montré que de jeunes étudiantes dont le partenaire sexuel n’entrait pas couvert étaient moins déprimées que celles « protégées » par un préservatif. Même en tenant compte d’autres facteurs, l’exposition au sperme semble bel et bien influer sur l’humeur ! Selon toute vraisemblance, cet effet antidépresseur est dû aux hormones (sérotonine, ocytocine, mélatonine…) véhiculées par la semence masculine.
Il est parfaitement (bio)logique que la sécrétion vectrice de vie aide sa réceptrice à la trouver belle. La nature veut des enfants et elle s’arrange pour récompenser la fertilité. Chez la femme, ce sont les sécrétions vaginales qui participent à la fête : la cyprine sert de lubrifiant naturel pour faciliter la pénétration et la montée de l’orgasme. Elle contribue aussi à maintenir un vagin sain en équilibrant son pH, limitant ainsi la croissance de bactéries importunes. Qui plus est, elle charrie des lactobacilles et serait, selon une universitaire américaine, aussi bienfaisante qu’un yaourt probiotique ! Pas étonnant que le préliminaire oral figure en bonne place dans les arts érotiques orientaux….
L’urine ou la solution de survie
Pour conclure ce petit tour d’horizon des sécrétions et de leurs bénéfices pour la santé, disons un petit mot de l’urine. Pour les uns, c’est un véritable élixir de vie et une panacée quasi universelle qu’il faudrait (re)prendre l’habitude de consommer, comme le conseillait Hippocrate, père de la médecine, et comme certaines peuplades anciennes avaient coutume de le faire. Pour les autres, l’urinothérapie est à ranger dans les pratiques charlatanesques et les dérives sectaires les plus farfelues. Encore une fois, je trouve que le site Doctissimo fait bien la part des choses dans un article objectif et impartial écrit par une néphrologue.
Personnellement, j’ai du mal à croire que ce liquide expulsé du corps puisse procurer des bienfaits spectaculaires en y retournant. Je suis cependant sensible aux arguments d’un Christian Tal Schaller (médecin suisse qui a beaucoup contribué à populariser la méthode) et d’un Coen Van der Kroon, auteur d’un ouvrage qui fait autorité sur le sujet et qui n’est curieusement pas réédité. Tous deux soulignent à bon escient que l’urinothérapie, ou Amaroli, est une pratique ancienne de l’Ayurvéda. Or comme toute médecine plurimillénaire, l’antique médecine ayurvédique a droit à tout mon respect. Comme je l’ai déjà écrit, son caractère traditionnel et ancestral est un critère plaidant pour son efficacité.
Ce qui est sûr, c’est que je serai le premier à surmonter mes a priori et à boire mon pipi si je devais tomber gravement malade. Quand on n’a plus rien à perdre et tout à gagner, il est absurde de renoncer à une chance de guérison au motif que l’approche alternative ne satisfait pas aux exigences de la science. Ce qui est sûr aussi, c’est que je ferais fi de mes préjugés si je devais faire naufrage ou me perdre dans le désert. Sur internet, on peut trouver de nombreux récits, comme celui-ci ou celui-là, attestant que l’urine est une boisson de secours permettant de ne pas mourir de soif. Elle contient 95 % d’eau et il est donc 100 % rationnel de s’abreuver à notre fontaine corporelle en cas d’urgence. Si la plupart des sécrétions rendent service à la vie, l’urine les dépasse toutes puisqu’elle peut assurer la survie.
Yves Rasir