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Il y a quelques mois, dans un village ardennais voisin du mien, j’ai assisté à une soirée de conférences sur le thème de la forêt. Des ingénieurs et des gardes forestiers sont venus expliquer comment maintenir en santé les espaces boisés. Comme je m’y attendais un peu, ces spécialistes nous ont exposé que la santé d’une forêt dépendait principalement de la diversité de ses arbres. Plus il y a d’essences différentes, plus il y a de chances que la zone verte se porte bien et qu’elle résiste aux maladies et aux événements climatiques. En sylviculture comme en agriculture, la monoculture est une très mauvaise pratique car c’est le manque de variété biologique qui permet aux ravageurs de végétaux de s’installer et de les attaquer sans rencontrer de résistance. 

Comme je m’y attendais moins, les experts nous ont cependant dévoilé que la vitalité d’une forêt reposait sur de nombreux autres facteurs. Par exemple sur la hauteur des arbres : plus leur taille est variée, plus cela va favoriser la vie du sol et le coexistence des essences. Cela tient à la variation de la luminosité, à celle du taux d’humidité, et même aux contrastes de couleur ! Pour bien se porter, les futaies ont besoin de taillis et les deux types d’univers végétal profitent aussi de la présence régulière de clairières. Plus étonnant encore, l’hétérogénéité du relief aura également une influence sur la richesse de la flore et la robustesse des arbres. Pour assurer la santé d’un terrain boisé, les forestiers préconisent désormais sa régénération naturelle et une gestion minimaliste. 

Suite à cette soirée très instructive, je me suis fait la réflexion qu’au fond, il en allait de même pour l’être humain : pour que son terrain demeure sain, il lui faut un maximum de diversité et une minimum d’uniformité. Le pire ennemi de l’Homme, c’est la monotonie. Sa meilleure alliée, c’est la variété. Il sera d’autant moins fragile et vulnérable que son biotope corporel sera diversifié et soumis à des influences plurielles et variables. Pour cultiver notre santé, je pense qu’il est donc essentiel d’adopter des habitudes et attitudes propices à une meilleure gestion écologique de nous-mêmes. Voici les cinq domaines d’action qui me sont venus à l’esprit. 

1) Diversité microbiotique

Est-il besoin de rappeler que notre intestin abrite dix fois plus de bactéries que le corps entier ne compte de cellules ? Et faut-il préciser que d’autres organes (cœur, poumons, cerveau, peau…) fonctionnent aussi grâce à la flore bactérienne qu’ils hébergent ? Durant les dernières décennies, la science a mis en évidence que ce microbiome est un facteur clé de la santé. Les différents microbiotes jouent notamment un rôle capital dans le métabolisme, la synthèse des vitamines et la protection immunitaire. S’ils sont déséquilibrés, les micro-organismes pathogènes prennent le dessus sur les « bonnes » bactéries et la maladie peut s’incruster. 

Or l’équilibre microbiotique repose crucialement sur la diversité de ses composants. Ce n’est pas une question de quantité mais de qualité. On sait par exemple que les enfants nés par césarienne et privés ainsi de la flore vaginale de leur maman seront plus sensibles aux infections et plus à risque d’allergies. Il en va de même pour les enfants nourris au biberon et privés ainsi des bactéries fournies par le lait maternel. Des recherches ont également montré que les cures d’antibiotiques et l’usage d’antiseptiques appauvrissaient les microbiotes et que cet appauvrissement contribuait au développement de pathologies chroniques et de maladies auto-immunes. Il est donc vital de préserver sa flore des agressions biocidaires et de veiller à sa richesse. 

Je ne vais pas faire ici l’éloge des aliments prébiotiques et des compléments alimentaires probiotiques, leur intérêt étant suffisamment connu. Ce qui l’est moins, c’est qu’il existe un moyen simple de conserver une flore diversifiée et même d’en augmenter la diversité : l’activité physique. Par rapport aux personnes sédentaires, les individus actifs produisent notamment davantage de butyrate, un acide gras à chaîne courte qui protège le côlon et qui est un peu le garde de la barrière intestinale. Ce grand copain des intestins provient de la fermentation des fibres par certaines catégories de bactéries, comme les Bifidobacterium. Dans le milieu sportif professionnel, on n’est pas seulement content que le sport stimule le bien-être des athlètes via leur abdomen. On est également de plus en plus conscient que la qualité du microbiote rejaillit sur leurs performances. Voyez cet article édifiant du site Kinésport, synthèse de 35 études scientifiques récentes. 

Par appétit commercial, l’industrie laitière a mis la famille Bifidus en vedette et sur un piédestal. Mais ce n’est certainement pas la seule souche bénéfique au fonctionnement intestinal et à la santé globale. Dans l’un de ses articles parus dans Néosanté, son collaborateur Yves Patte a raconté un jour que les Hadza, peuple indigène de Tanzanie, ont un microbiote très diversifié où les bifidobactéries sont cependant totalement absentes. Or ces chasseurs-cueilleurs sont réputés pour leur longévité, ce qui est logique puisque les maladies métaboliques et infectieuses sont très peu répandues dans leur communauté. Moralité : pas besoin de yaourt activé pour chouchouter son ventre et le garder bien plat jusqu’à un âge avancé…

2) Diversité alimentaire

Il n’empêche que la qualité du microbiome est forcément liée au régime alimentaire. Les Hadza ont une alimentation basée sur la viande, le miel, le baobab, les baies et une grande variété de tubercules. Avec quelques autres peuplades dites primitives (Inuits du Canada, San d’Afrique, aborigènes d’Australie…), ils sont la preuve toujours vivante que l’alimentation de type paléolithique, c’est-à-dire excluant tous les aliments apparus avec l’agriculture au néolithique (produits laitiers et céréaliers), est compatible avec une belle santé. Si l’on ajoute les plantes sauvages, les légumes, les fruits frais et fruits à coque, les œufs, les fruits de mer et le poisson, le modèle paléo offre un éventail alimentaire très large, lequel favorise à son tour la richesse microbiotique.

A contrario, la malbouffe moderne condamne notre environnement interne à l’appauvrissement. Il y a quelques années, des chercheurs américains ont analysé le microbiote de groupes de population Mong (ethnie chinoise) et Karen (ethnie thaïlandaise) ayant immigré aux États-Unis. Ils ont trouvé que plus l’immigration était ancienne, plus la flore intestinale des migrants avait perdu en richesse et en variété. Les scientifiques ont également remarqué qu’en parallèle à cette chute de la diversité microbienne, l’obésité gagnait du terrain chez les mêmes individus au fil du temps et des générations. Depuis, les relations réciproquement négatives entre surpoids et flore bactérienne appauvrie ont été amplement confirmées.

Quels que soient ses choix diététiques, on a de toute façon avantage à fuir la monotonie et à varier ses menus. Manger varié garantit de consommer les macro- et micronutriments nécessaires et l’assurance de ne pas souffrir de carences en vitamines, minéraux et oligo-éléments. Avec le règne du fast food, on voit aujourd’hui resurgir le scorbut dans les pays industrialisés, terrible maladie pourtant facilement évitable avec un peu de vitamine C dans son assiette ! Mes amis végétariens et végétaliens m’objectent souvent que la viande rouge n’est pas un aliment dénué de nocivité, ce qui n’est pas faux. Mais qui a dit qu’il fallait en manger tous les jours ? Avec les œufs, les viandes blanches, les poissons de mer ou de rivière, les crustacés et les coquillages, les œufs de poisson ou les escargots, un paléomnivore dispose d’un choix infini de protéines animales. Et perso, je ne crache pas non plus sur le tofu et le tempeh, deux produits ancestraux obtenus par fermentation du soja.

Chez les non-végans, j’observe depuis quelques années la tendance à dénigrer les végétaux sous prétexte qu’ils charrient du fructose ou des anti-nutriments comme les lectines ou les oxalates. Le sucre des fruits ne doit certainement pas faire peur car il n’est pas isolé des fibres solubles et insolubles, ce qui diminue, voire annule ses inconvénients. Quant aux composés antinutritionnels, je rejoins complètement Thierry Casasnovas pour m’exaspérer de cette mode stupide consistant à les diaboliser et les assimiler à des poisons. Certes, les oxalates sont des molécules toxiques pour les prédateurs des plantes. Mais en quantités raisonnables et mélangés à d’autres végétaux qui en contiennent peu, les humains s’en accommodent fort bien. 

D’ailleurs et très logiquement, ces outils de défense sont plus abondants dans les fruits et les légumes biologiques que dans leurs homologues conventionnels dopés aux pesticides. La diversité végétale bio est d’autant plus à rechercher que les résidus de glyphosate, eux, sont très nuisibles au microbiote intestinal. Peut-être les personnes fragiles des reins auraient-elles avantage à les ménager en n’abusant pas d’oxalates (légumes-feuilles, noix et graines, chocolat, légumineuses, certains fruits comme les figues ou les framboises…) ou en cuisant à grande eau les aliments qui en abritent. Mais ce faisant, elles trucideraient les précieuses enzymes présentes dans les fruits et légumes crus et qui ont pour fonction d’aider à leur assimilation. En préservant le capital enzymatique des aliments et en favorisant celui du tube digestif, le crudivorisme est sans doute le meilleur garant de la diversité biotique. Pour favoriser cette dernière, prenez au moins l’habitude de consommer régulièrement des crudités ! 

(à suivre)

Je vous reviens la semaine prochaine avec trois autres formes de diversité favorables à la santé : la diversité respiratoire, la diversité thermique et la diversité posturale.

Yves Rasir

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