Suite et fin de l’infolettre en deux parties entamée la semaine dernière. Dans ce deuxième volet, j’aborde trois autres formes de diversité propices à une meilleure santé.
Diversité respiratoire
La première d’entre elles concerne la respiration, sujet de prédilection de la revue Néosanté depuis sa création. Comme nous l’avons maintes fois souligné, le monde contemporain favorise l’hyperventilation. Sous l’effet du stress, on respire plus vite qu’autrefois et cette accélération du cycle respiratoire augmente à son tour la tension nerveuse. Ce cercle vicieux a de graves conséquences car, paradoxalement, le fait d’hyperventiler aboutit à une sous-oxygénation cellulaire. Or lorsque les mitochondries, les centrales énergétiques des cellules, sont mal oxygénées, c’est le début des ennuis et le point de départ de nombreuses maladies. Pour contrer ce phénomène délétère, nous vous avons plusieurs fois expliqué qu’il fallait augmenter l’apport de gaz carbonique dans le sang en pratiquant la rétention du souffle (apnée). Cet exercice de yoga est aussi la pierre d’angle de la méthode Buteyko, visant à favoriser une respiration plus lente, plus apaisée, et donc plus oxygénante pour les tissus.
Cela ne signifie pas que l’hyperventilation soit une mauvaise chose. Sous forme chronique, oui, ce n’est bon pour la santé. Mais de façon ponctuelle et éphémère, cela facilite au contraire la déblocage du diaphragme et le retour à une respiration moins saccadée et plus tranquille. L’hyperventilation aigüe est notamment au centre de la méthode Wim Hof, ce Néerlandais surnommé « l’homme de glace » et qui parvient à résister longtemps à des températures incroyablement basses. C’est aussi le principe de base de la respiration holotropique, technique psychothérapeutique qui permet d’induire un état de conscience modifié et de libérer les émotions refoulées. C’est également parce qu’ils s’hyperventilent régulièrement que les praticiens d’un sport « cardio » (toutes les disciplines qui sollicitent le cœur et les poumons) améliorent leur fonctionnement respiratoire dans la vie courante. Pour s’oxygéner en profondeur, rien de tel que les activités physiques aérobies (marche, course, vélo, natation, sports de balle, de raquette…) qui accélèrent transitoirement la respiration et la fréquence cardiaque.
Car le cœur, lui aussi, a grand besoin de diversité. Ce muscle creux est fait pour changer de rythme et battre différemment, et non pour s’assoupir dans un tempo monocorde. C’est d’ailleurs la VFC (Variabilité de la Fréquence Cardiaque) qui fait aujourd’hui référence en cardiologie : plus le temps entre deux battements fluctue, plus ça indique que le système nerveux autonome (SNA) – dont le fameux nerf vague est un composant majeur – fonctionne de manière optimale. Une VFC élevée signifie généralement que le corps est en bonne forme, bien reposé et capable de gérer le stress, tandis qu’une VFC faible peut indiquer de l’anxiété, de la fatigue ou un entraînement excessif. Mais qu’est-ce qu’un sportif surentraîné ? C’est un sportif qui s’entraîne mal. La médecine du sport a beaucoup progressé ces dernières années et elle conseille dorénavant de fractionner les entraînements, c’est-à-dire d’alterner les phases d’efforts intenses et les plages de récupération au lieu de s’épuiser dans de longues séances d’endurance. Comme mon confrère Xavier Bazin a consacré récemment une excellente infolettre à ce sujet, je vous y renvoie volontiers.
Le but n’est évidemment pas de surmener le cœur. Si vous souffrez de tachycardie (rythme supérieur à 100 battements par minute au repos), c’est que vous êtes mal embarqué. Un cœur en bonne santé est un cœur dont le rythme épouse harmonieusement le rythme de la respiration. Et savez-vous qu’on peut calmer le premier en ralentissant volontairement le second ? Cela s’appelle la « cohérence cardiaque » et c’est aussi une technique respiratoire dont Néosanté a souvent vanté les vertus. Cela consiste à adopter une respiration lente (environ 6 inspirs et 6 expirs par minute), ce qui a pour effet d’équilibrer les branches sympathique et parasympathique du SNA. Cet équilibrage amène des conséquences positives tant sur le plan physique que mental, et c’est une preuve supplémentaire que la diversité respiratoire apporte son lot de bienfaits.
Diversité thermique
Avec la respiration, la confrontation au froid est peut-être la technique de santé naturelle qui a été la plus traitée dans Néosanté. Des bains de siège chers à Rika Zaraï aux cabines de cryothérapie gazeuse dernier cri en passant par la douche glacée matinale, les bains dérivatifs, la méthode Wim Hof ou le yoga tibétain pratiqué dans la neige, nous avons assidûment exploré les méthodes anciennes ou modernes faisant appel aux effets bénéfiques du froid. Dans un dossier qui a passionné ses lecteurs, nous avons notamment rendu hommage à deux grands naturopathes d’avant-garde, Sébastien Kneipp et Louis Kuhne, qui ont redonné leurs lettres de noblesse aux thérapies par le froid. Le premier prescrivait plus d’une centaine d’affusions, de compresses ou de bains différents (pieds, mains, bras, tête…) en fonction des problématiques rencontrées, le second avait mis au point la technique « dérivative » combinant l’action de la fraîcheur à celle de la friction dans les plis inguinaux. Tous deux avaient observé que l’eau froide avait un grand pouvoir guérisseur pour les maux du corps comme pour les maux de l’âme. Il est aujourd’hui établi que le froid fait reculer l’inflammation et que celle-ci fait le lit de nombreuses maladies.
À l’autre bout du thermomètre, les hautes températures ne sont pas en reste. Dans notre mensuel, nous avons également passé en revue les avantages du bain chaud, du sauna ou du hammam. Ce qui est encore plus efficace, c’est d’alterner chaleur et sudation avec l’exposition au froid. En Suède ou en Finlande, il est courant d’aller se rouler dans la neige entre deux séances de sauna. Dans certains pays de l’Est, comme la Hongrie ou la Tchéquie, les établissements thermaux proposent souvent de passer de l’étuve à des sortes de saunas inversés, des pièces réfrigérées ou l’on peut pratiquer la cryothérapie à corps entier. Coup de fouet garanti pour la circulation et coup de bambou assuré pour l’inflammation ! Il est notoire que l’alternance entre le chaud et le froid décuple les bénéfices de l’un ou l’autre isolément : c’est donc bien le choc des contraires, la diversité thermique, qui fait office de puissant médicament hormétique.
Pour rappel, l’hormèse est un phénomène biologique où une faible exposition à un stress, normalement nocif à haute dose, déclenche des réponses adaptatives profitables pour l’organisme. Lorsqu’il est modéré et contrôlé, un stress stimule les défenses, augmente la vitalité et accroît ainsi la résilience à des pressions plus importantes. Pour l’essayiste Nassim Nicholas Taleb, le gain va même au-delà de la robustesse : le corps devient carrément « antifragile » à force d’être soumis à l’effort et confronté à l’inconfort. L’exposition au froid ou au chaud met en jeu cette loi de l’hormèse, de même que l’exercice physique soutenu ou la pratique du jeûne intermittent.
Ce qui est assez dramatique, c’est de fuir les fluctuations de température : en inventant le chauffage central et la climatisation, Homo Sapiens a commis l’erreur de se ménager un environnement constamment confortable. Revers de la médaille, il supporte de moins en moins les assauts de l’hiver et les épisodes de canicule. Pour enrayer cette fragilité croissante, il sera opportun de renouer avec la variation thermique en coupant la clim’ ou en modifiant le réglage des vannes thermostatiques selon les pièces de la maison : pas besoin de chauffer une chambre à plus de 16°c ni de dépasser 20°c dans un salon ! Trop froid ? Enfilez un pull. Trop chaud en été ? Troquez l’air conditionné pour un bon vieux ventilateur ou pour les deux fenêtres ouvertes en voiture.
Diversité posturale
Je comptais en rester là pour ce panorama des diverses diversités rimant avec santé mais en faisant du rangement, je suis tombé sur un vieux numéro de Néosanté (novembre 2016) consacrant un dossier aux « bonnes postures ». Voilà bien encore un domaine où la modernité a fait fausse route ! Couché, debout, assis avec les jambes à angle droit, tel est l’étroit carcan postural dans lequel s’en enfermé l’Homme occidental. Or il y a plein d’autres manières de poser et de positionner son corps. Dans son dossier et dans plusieurs articles de sa rubrique, le journaliste Emmanuel Duquoc a surtout mis en exergue la position accroupie. Naturelle pour les enfants, elle est devenue très difficile à adopter pour de nombreux adultes occidentaux alors qu’elle est banale en Afrique ou en Asie. Dans certaines cultures, c’est une position traditionnelle de repos qui favorise la souplesse des chevilles, des genoux et des hanches.
Essayez de vous y mettre, pour voir ! Tenir les jambes complètement fléchies, les cuisses sur les mollets et les pieds à plat sans basculer en arrière, c’est vraiment très difficile. Les gosses font ça spontanément, mais pour un sexagénaire bien sonné comme moi qui ne pratique pas le yoga, ça tient de l’exploit. Le travail postural est au cœur du yoga, c’est son aspect physique. On estime qu’il existe environ 4000 postures ou asanas possibles, sans compter les variations ! Quand je dis que je ne pratique pas, ce n’est pas tout à fait vrai. Durant ma gym matinale, après mon gainage-planche, j’adopte parfois la posture du chat, de l’arbre ou du cobra pour assouplir ma colonne vertébrale. Si j’ai le courage, je profite également du temps passé sur le canapé pour tenter de m’asseoir en tailleur ou en lotus (je dis bien tenter !). Même si je ne parviens pas à garder l’équilibre, j’essaie aussi parfois de retomber en enfance et de me mettre en position accroupie, appelée Utkatasana en yoga ou « squat asiatique » dans le milieu du fitness.
Maintenant que j’y pense, je devrais profiter de mon statut de semi-retraité pour me trouver un cours de yoga. Il n’est jamais trop tard pour s’y mettre et je suis bien placé pour savoir que cet art de santé millénaire est une source de bienfaits quasi miraculeux. Vers l’âge de 75 ans, ma vieille maman a dû subir une opération de la matrice et elle a passé une radio de contrôle avant l’intervention. Effaré, le radiologue lui a fait remarquer qu’elle était rongée d’arthrose et qu’elle devait souffrir le martyre. Première nouvelle pour ma mère qui n’avait jamais souffert de douleurs articulaires mais qui avait 40 ans de yoga hebdomadaire à son actif ! Âgée aujourd’hui de 95 ans, elle est encore capable de s’agenouiller ou de se toucher les pieds avec les mains sans difficulté. Tout ça pour dire que la pluralité posturale est plus qu’une clé de santé : avec les quatre autres formes de diversité abordées dans cette double lettre, c’est un passe-partout ouvrant les portes de la longévité heureuse.
Yves Rasir