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Vous êtes prêt(e)s ? Dans quelques jours, deux semaines tout au plus, les médias traditionnels vont lancer leur campagne annuelle de peur et d’anxiété à l’égard du soleil. À l’approche des vacances estivales, ils vont multiplier les mises en garde contre l’exposition solaire et rivaliser de titres alarmistes sur les dangers des rayons UV. Dans les journaux et sur les plateaux, des dermatologues distingués vont défiler pour nous expliquer que le soleil agresse gravement la peau et qu’il augmente considérablement le risque de cancer cutané. Si vous ne voulez pas subir ce déluge d’héliophobie, je vous suggère de vous en prémunir en boycottant les kiosques et en éteignant la télé.

Certes, tout ne sera pas faux dans ce flot de propagande héliophobe. Il est vrai que l’astre du jour peut se montrer méchant si l’on absorbe son rayonnement à haute dose et sans aucune précaution. Ce qui est mensonger, c’est l’omission. On « oublie » toujours de vous dire que l’étoile illuminant la terre est une bénédiction pour ses habitants et qu’elle leur procure bien-être et santé. Le soleil est une véritable panacée dont la revue Néosanté s’est d’ailleurs fait une spécialité de vanter les nombreux bienfaits. Ce qu’on omet surtout de vous dire, c’est que son unique méfait – son potentiel cancérigène – n’est pas aussi évident qu’il n’y paraît. Voici trois vérités qui vous sont généralement cachées sur les relations entre soleil et cancer.

Le soleil est globalement anticancer

La première de ces vérités largement occultées, c’est que le bain de soleil est une excellente manière de se protéger du …cancer. Savez-vous par exemple que l’exposition solaire peut réduire de moitié le risque de tumeur mammaire ? Cette vaste étude épidémiologique a révélé que les femmes les plus exposées aux UVB étaient deux fois moins touchées par le cancer du sein que celles les moins exposées. La même étude indique que la mortalité par cancer de la prostate est deux fois moins élevée chez les hommes résidant dans les régions les plus ensoleillées. Autrement dit, l’incidence de ces deux pathologies cancéreuses les plus courantes pourrait être réduite de 50 % par le seul recours à l’héliothérapie, ce qui surpasse en efficacité toutes les mesures préventives et tous les traitements curatifs recommandés en médecine oncologique. S’agissant d’un remède gratuit et inépuisable, c’est une performance purement phénoménale.

Dans cette autre étude, les chercheurs ont suivi 30 000 Suédoises pendant 20 ans. Il en ressort que les femmes qui évitaient le soleil étaient 50 % plus susceptibles de mourir que les femmes s’y exposant modérément, et 130 % plus enclines à trépasser que celles s’y exposant régulièrement. Certes, le gain de longévité est principalement apporté par la diminution de la mortalité cardiovasculaire et la diminution de la mortalité toutes causes hormis le cancer. Le cancer figure en toute fin de ce classement solaire bénéficiaire. Mais en vivant plus longtemps, il va de soi qu’on augmente la probabilité de contracter une maladie cancéreuse et d’en décéder, ce qui fait dire aux scientifiques que l’effet anticancer du soleil est certainement sous-estimé.

À noter que le bénéfice le plus important a été observé chez les fumeuses, au point que les non-fumeuses fuyant le soleil avaient le même risque de mourir que les fumeuses aimant s’exposer ! À quand des photos d’agonisants et de cadavres imprimés sur les parasols ? La principale explication de cette protection, c’est évidemment la vitamine D. Plus l’épiderme est exposé au soleil, plus l’organisme va synthétiser cette précieuse vitamine relativement peu présente dans l’alimentation. Or si l’intérêt d’une supplémentation demeure controversé, le lien entre sa présence dans les tissus et une plus grande résistance au cancer n’est guère contesté. De hauts niveaux de vitamine D dans le sang sont également associés à un moindre risque de leucémie aiguë, de cancer de la tête et du cou, de l’œsophage, du côlon et du pancréas. Selon une recherche récente, cela tiendrait à la composition du microbiote intestinal.

Pas de lien démontré avec le mélanome 

La deuxième chose qui est rarement précisée, c’est qu’il y a trois grandes formes de cancers de la peau. La première, le carcinome basocellulaire, est de loin la plus fréquente (80 % des cas) mais aussi la plus bénigne avec un taux de mortalité avoisinant les… 0 %. La seconde, le carcinome épidermoïde, est un peu plus dangereuse mais le taux de survie moyen pour ce cancer est de 95 %, et même de 99 % si la résection chirurgicale a lieu suffisamment tôt. On estime que le rayonnement solaire excessif est impliqué dans ces deux types de cancers peu agressifs puisqu’ils surviennent généralement chez les individus à peau claire et très majoritairement à des endroits souvent exposés, comme le visage ou les bras.

Bien qu’il ne représente que 1 % de tous les diagnostics de cancer de la peau, le mélanome est un épouvantail nettement plus crédible avec un taux de mortalité pouvant atteindre 65 % selon son étendue lors de sa découverte. Il fait quatre à cinq fois plus de victimes que les carcinomes et c’est pourquoi la propagande anti-soleil se focalise sur lui. Le hic, c’est que le lien entre cette troisième forme de cancer cutané et l’exposition solaire n’est nullement démontré. Il y a même de nombreux arguments permettant de conclure à l’absence de relation.

D’abord, à peine 22 % des mélanomes surviennent dans les zones du corps les plus exposées. Ils apparaissent le plus souvent dans des endroits moins exposés, comme les jambes et le tronc, voire dans des lieux rarement accessibles à la lumière comme le pubis ou la plante des pieds. Ensuite, il est notoire que les études sur les crèmes filtrantes ont donné des résultats contradictoires : certaines ont suggéré un effet protecteur et d’autres ne l’ont pas trouvé. Comme le mentionne cet article de la Revue Médicale Suisse, plusieurs études observationnelles ont même révélé un risque accru de cancer cutané chez les patients utilisant des écrans solaires. Selon cette méta-analyse de 25 études, ni les carcinomes ni les mélanomes ne sont prévenus par l’usage d’un écran filtrant. Et d’après cet essai clinique randomisé qui fait autorité, « l’effet protecteur de la crème appliquée très régulièrement n’est pas statistiquement significatif pour l’ensemble des mélanomes ». Ça n’empêche pas les sociétés de dermatologie et leurs sponsors industriels de revendiquer une protection de 50 % contre cette pathologie, cherchez l’erreur !

Last but not least, on a calculé que les personnes travaillant à l’extérieur (agriculteurs, jardiniers, ouvriers de voirie, travailleurs du bâtiment…) recevaient 3 à 10 fois la dose annuelle d’UV que reçoivent les employés de bureau. Pourtant, les statistiques médicales indiquent une incidence plus forte du mélanome malin chez ces travailleurs en intérieur. Une méta-analyse de la littérature disponible a révélé que les individus professionnellement exposés à la lumière du soleil étaient 14% moins susceptibles de contracter un mélanome. Est-ce parce qu’ils ont moins de grains de beauté ? Ou parce que la vie au grand air dissuade les naevus mélanocytaires de se cancériser ? Restons sérieux : tout porte à croire qu’il n’y pas de rapport entre exposition solaire et survenue des mélanomes.

Avec un bon sens très scandinave, des chercheurs norvégiens ont d’ailleurs observé que les habitudes d’exposition évoluent peu tandis que l’incidence et la létalité du mélanome augmentent chaque année, ce qui contredit le discours héliophobe. À contre-courant des idées reçues, une autre équipe a montré que les malades présentant une élastose (vieillissement cutané accéléré par une exposition exagérée au soleil) avaient 60 % moins de risques de mourir de leur mélanome. Non seulement le lien négatif entre soleil et mélanome n’est pas prouvé, mais l’état des connaissances permet de postuler l’existence d’un lien positif !

Le soleil fait du bien, seuls ses coups font mal

Le troisième mensonge propagé par le narratif dominant, c’est que le rayonnement solaire est intrinsèquement mauvais pour la peau. Selon cette vision paranoïaque, les UV sont nuisibles par essence et les dommages qu’ils provoquent débutent dès la première minute d’exposition non protégée. C’est archi-faux. La seule chose qui est scientifiquement prouvée, c’est que les personnes ayant des antécédents de coups de soleil dans l’enfance présentent un risque plus élevé de cancer cutané à l’âge adulte. Pour le mélanome, ce risque est multiplié par quatre. Pour les carcinomes, le risque est approximativement doublé pour chaque tranche de 5 coups de soleil subis en bas âge. Mais ça ne veut absolument pas dire que le soleil nuit dès qu’il luit !

Primo, il faut se rappeler qu’une corrélation n’autorise pas à affirmer péremptoirement un lien de causalité. Avec les données issues de l’observation de populations, il y a toujours des facteurs de confusion possibles liés à leur mode de vie. Par exemple, on ne tient pas compte des habitudes alimentaires ou de celles du sommeil, qui peuvent pourtant fortement influer sur le comportement de la peau exposée. Ou bien on n’examine pas la consommation d’antibiotiques alors que ceux-ci peuvent augmenter considérablement la sensibilité aux rayons UV. Souvent également, les recherches se limitent à quantifier la dose d’UV reçue sans se pencher sur le moment où l’exposition a eu lieu. C’est de la mauvaise science car il y a un monde de différence entre une peau rissolée abruptement en plein midi et la même peau soumise préalablement à un bain de soleil matinal. Les experts du rythme circadien savent bien que les rayons matinaux préparent la peau à recevoir des UV plus intenses plus tard dans la journée.

Secundo, la diabolisation du soleil repose sur l’isolement arbitraire des ultra-violets alors que ceux-ci font partie d’un spectre lumineux complet comprenant aussi les longueurs d’ondes infrarouges, rouges, vertes, jaunes, orange et bleue. Toutes ces composantes de la lumière solaire jouent un rôle dans la biologie de la peau et la nocivité de l’une sera contrebalancée par l’action bienfaisante des autres. Savez-vous par exemple que la lumière verte réduit le stress, améliore la qualité du sommeil et uniformise le teint en éclaircissant les taches pigmentaires ? Vous a-t-on dit que la lumière rouge et infrarouge pénètre profondément dans l’organisme, qu’elle active les mitochondries et qu’elle y stimule la production d’énergie ? Ce processus augmente les défenses antioxydantes, les enzymes de réparation de l’ADN et les substances anti-inflammatoires, contrecarrant ainsi les dommages induits par les UV-B. En bloquant ces derniers, les écrans solaires lâchent par contre la bride à la lumière bleue, laquelle n’a pas que des vertus. Ostraciser une fraction du spectre lumineux, c’est perdre de vue que la nature est très bien faite et que le corps humain est outillé pour apprivoiser le soleil.

Tertio, il est dramatiquement absurde de considérer le bronzage, c’est-à-dire la production de mélanine dans les mélanocytes, comme une réaction de protection face à une agression. Raisonner de la sorte, c’est ignorer que la mélanogenèse s’apparente plutôt à un mécanisme d’hormèse. Pour rappel, l’hormèse est un phénomène biologique par lequel une exposition modérée à un bon stress induit des réponses bénéfiques permettant au corps de devenir plus fort. Par exemple, la musculation consiste à provoquer des microdéchirures dans les muscles et c’est la cicatrisation des fibres musculaires qui en augmente la masse. Qui aurait l’idée saugrenue de décréter que le gonflement de la musculature est néfaste pour la santé ? C’est pareil pour le rayonnement UV naturel : il déclenche des réponses adaptatives qui rendent plus résistant au fil du temps. Lorsque la production de mélanine est progressive, cela renforce la barrière cutanée au lieu de la fragiliser. Il est même prouvé que la lumière solaire active les gènes suppresseurs de tumeurs, ce qui pourrait expliquer que l’élastose rende paradoxalement moins vulnérable au mélanome. Une peau tannée par le soleil est une peau plus robuste !

Si le bronzage n’est pas un dommage, on ne peut cependant nier que l’excès d’UV porte préjudice à la peau. La corrélation entre les coups de soleil et le risque de développer un cancer cutané est tellement solide que la probabilité d’un lien causal laisse peu de place au doute. À l’instar de l’eau ou de l’air, qui sont mortels à doses démesurées, la lumière solaire peut perdre de sa puissance médicinale et être potentiellement nocive si elle vous brûle avant de vous brunir. C’est pourquoi il est important de bronzer sans brûler en suivant les recommandations que je vous ai prodiguées l’an dernier dans cette lettre-ci et dans celle-là. Moyennant ces précautions souvent éloignées des conseils habituels, vous pouvez sereinement vous exposer en toute sécurité. Si vous hâlez bien, vous allez aller mieux.

Yves Rasir

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